LA TRADITION DU CEPE A SENONCHES


« J’ai commencé à aller aux champignons, pour les vendre, à l’âge de cinq ans. A ce moment là, on s’achetait de quoi faire la rentrée scolaire : le tablier, le cartable, les cahiers… C’était une vraie ressource dans le pays » nous explique Paul ALEXANDRE (Agrégé d’Histoire et Président du Groupe d’Histoire Locale de Senonches).

 

Il y a trente ans, en compagnie de Pierre CHAILLOU, il a interviewé(1) Solange ROCHER, marchande de champignons et de primeurs (depuis 1938).
Voici un résumé de ce document :

 

En 1961, ils ont fait 45 tonnes de cèpes, ce qui, ajoutés à ceux des autres collègues, représentent pour Senonches une production de 80 tonnes environ. Comment cela se passait-il ?

 

SR : « Là, devant, à côté du magasin, il y avait une animation extraordinaire, phénoménale. Vous ne pouviez pas passer… Un énorme tas de champignons, absolument une montagne !... Les ramasseurs arrivaient… On nous livrait par tous les moyens possibles…. Ca arrivait de tous les côtés, avec des paniers, des brouettes, des landaus… et même un tricycle… Il y en avait un grand qui venait avec une hotte, comme une hotte de père Noël.. toujours pleine de champignons. »

 

« Nous, aussitôt, il fallait trier les champignons…Nous étions des gens très difficiles parce que le cèpe est, avec le rosé des prés, le champignon le plus désagréable à traiter et à commercer. Il ne se conserve pas. Un kilo de cèpes, s’il est mouillé, vous perd 100 grammes dans la nuit…. Et puis, on les mettait en cageots. Quel travail…. En 1961 on faisait 6 à 800 kg par jour. »

 

« En 1961, on a fait 45 tonnes de cèpes, ce qui, ajoutés à ceux des autres collègues, représentent pour Senonches une production de 80 tonnes environ.»

 

« Je me suis mariée en 1938 et on voyait l’heure qu’on n’allait pas pouvoir se marier tellement il y avait de champignons ! … On n’avait pas le temps. »

 

PA : Vos cèpes, vous les expédiez où ?

 

SR : « Aux Halles Centrales. Les champignons que nous ramassions jusqu’à huit heures du soir, ils étaient aux Halles vers une heure du matin et, à 2 ou 3 heures ils étaient vendus… ou pas. »

 

PA : Et c’était expédié comment ?

 

SR : Les cèpes partaient par wagons entiers, mais aussi par camion… quand il n’y en avait pas de grosses quantités. On mettait une centaine de cageots dans la camionnette.

 

Notre record a été de 5 tonnes en 3 jours »

 

DE L’ASPECT ECONOMIQUE DU CEPE DE SENONCHES

 

PA : « Pour nous, la rentrée scolaire ce n’était pas la joie. On aimait bien l’école, c’est vrai, mais à chaque fois, on était en pleine saison des cèpes. Et comme il n’était pas question de manquer l’école, on abandonnait la cueillette…. C’était une perte d’argent et une perte de plaisir. »

 

SR : « Les champignons, ça permettait aux ramasseurs de Senonches de passer un hiver plus agréable. Certains faisaient de vraies moissons de champignons et en profitaient pour se payer ceci ou cela… »

 

PA : « On disait chez nous que c’était la seconde moisson. Etant gamin, on y allait pour gagner de l’argent… Mon père était ouvrier agricole et lorsqu’arrivait la saison des cèpes, il quittait son travail. Pour lui, c’était aussi important de ramasser les cèpes que de faire la moisson ou de biner les betteraves. »

 

SR : « En une saison de cèpes, trois semaines, un mois, il gagnait plus que dans sa moisson »

 

PA : « je sais que mon père a gagné en une saison de quoi s’acheter tout le matériel pour faire le cidre ; pressoir, macheux, tonneaux.. et les pommes. Je sais que mon oncle a du gagner en une saison de quoi s’acheter une machine à coudre. C’est sur que cela faisait une apport d’argent important… une vraie ressource dans le pays…. Je me souviens d’une véritable association avec M. MILLARD de La Framboisière, qui était le seul à avoir un vélo. Mon père, ma mère te mon oncle restaient en forêt. Ils ramassaient les champignons et M. MILLARD fait continuellement le trajet. Il amenait à chaque fois 3 cageots sur son vélo et retournait en forêt ou mes parents et mon oncle lui donnaient le résultat de leur cueillette et il repartait… et pendant toute la saison comme çà. Il faisait le charroyeur. »

 

SR : « Ca donnait une activité commerciale. Tu ne peux pas t’imaginer dans quelles proportions. Quand il y a une belle campagne de champignons, çà se sentait dans le commerce et pas spécialement chez nous. Ils se payaient une cuisinière, une chose ou une autre…. Voyez un peu l’échange que cela pouvait faire parce que les ramasseurs de champignons c’étaient nos clients d’un bout de l’année à l’autre. Même s’ils n’étaient pas clients on leur achetait leurs champignons mais ils rachetaient de la marchandise.»

 

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